ORIGINE DE LA PROCESSION MILITAIRE DE LA SAINT-PIERRE 1854

C'était en 1854 ; à cette époque florissante où l'exploitation des minerais de fer semblait avoir amené pour longtemps dans ce beau village de Morialmé l'abondance et le bonheur. Soudain, comme un coup de foudre, une fièvre maligne, la terrible fièvre des marais, s'abattit sur Morialmé. Les malades se comptaient par centaines. Sur chaque maison presque planait un air de tristesse, de désolation et de deuil ; dans les rues désertes, l'on ne voyait plus guère, et que le médecin zélé, portant ses secours aux malades, et que le charitable pasteur Monsieur le curé Beguin, allant distribuer partout les encouragements et les consolations chrétiennes et cependant, sur leurs lits de souffrances, les fiévreux, pâles comme des morts, émaciés comme des cadavres, tantôt brûlaient d'ardeurs extrêmes, tantôt refroidis se couvraient d'une sueur glaciale. Les vieux se croyaient arrivés à leur dernière heure : les forts et les vigoureux de la veille devenaient les faibles et les agonisants du lendemain : et les enfants oppressés, semblaient dans leurs soubresauts retenir une vie qui paraissait vouloir déjà leur échapper.


Spectacle affreux ! Misère sans remède ! Ah ! Comme a dû souffrir l'âme généreuse, le cœur aimant du pasteur, le vrai modèle des pasteurs, prêt à donner sa vie pour ses ouailles !


Après ses journées passées au chevet des mourants, il allait dans son église, supplier Dieu d'épargner son peuple et de pardonner enfin. Mais le ciel semblait ne pas écouter sa prière.


Un jour, désespérant presque, prosterné au pied des autels, il voue à Saint-Pierre toute sa paroisse et promet de faire chaque année, en son honneur une grande et belle procession où tous ses paroissiens, les hommes surtout, plus braves quand ils sont plus pieux, formeraient le grand nombre, et militaires improvisés, pour être plus sûrement entendus de là-haut, présenteraient à Saint-Pierre leurs hommages en les accompagnant de salves d'artillerie.


« De tout temps les gens de Morialmé ont eu l'esprit militaire fort développé s'habiller en soldats, porter les armes c'est chose toute naturelle pour eux. Il y a 900 ans, les hommes de Morialmé ont sauvé Godefrois II comte d'Ardennes écrasé sous les forces réunies, des comtes de Hainaut et de Louvain, et lui ont fait remporter une victoire éclatante près de Saint-Aubin. C'est encore Morialmé qui, pour venger l'assassinat de son Seigneur, mit le siège devant Couvin, le prit d’assaut et le saccagea. Aujourd’hui ses milices, non moins braves, sont plus pacifiques. »


Ayant longtemps prié, il se releva plein de confiance, et le lendemain même, accompagné de Monsieur Wilmot, bourgmestre, et de Messieurs les abbés Pierre Roubaux, archiprêtre de Namur, Augustin Roubaux doyen de Dinant, et Duculot, tous trois prêtres de Morialmé, il se rendit auprès de Monseigneur De Hesselle évêque de Namur. Par ses paroles, où vibraient sa foi et son dévouement, il eut vite fait gagner sa cause d'obtenir la permission d'établir une procession militaire. Et l'âme rassénérée et le cœur satisfait, il reprit joyeux le chemin de Morialmé.

On était aux beaux jours de juin, et la fête de Saint-Pierre approchait. Il s'occupa activement d'organiser la procession : cortège religieux précédé d'une marche militaire. Tout ce qu'il y avait d'hommes valides encore fut enrôlé dans la milice guerrière, tandis que jeunes hommes, jeunes filles et enfants formeraient le contingent religieux.


Au 29 juin, vêtue du sarrau bleu et du pantalon blanc, le mousquet sur l'épaule, sous les ordres du major Guillaume Baily, de l'adjudant-major Pierre Masson, du sergent-sapeur François Thibaut, du tambour-major Théophile Piérard, et de deux officiers, Victor Lambert et Melchior Mineur, une nombreuse compagnie vint assister militairement à la grand-messe. Puis l'office terminé, le cortège s'organisa. Le peloton en avant, suivi de la procession, la statue de Saint-Pierre portée triomphalement, on gagna, au son des tambours, mais aussi aux accents de la prière publique, l'immense campagne de Saint-Pierre. Là, au milieu d'une plaine ensoleillée, du sein de grands arbres séculaires émergeait l'antique chapelle du Saint, avec ses colonnes monolythes, son clocheton et son inscription Saint-Pierre, priez pour nous. Alentour, un vaste enclos, qui était jadis le cimetière d'un village nommé Fraire-la-Petite.


Les souvenirs terrifiants de la peste qui jadis avait ravagé cette vaste campagne ravivait encore la pitié et la confiance des pèlerins et des suppliants de 1854. Il y eut là des démonstrations de foi vraiment touchantes, et tandis que les soldats faisaient entendre la voix puissante de leurs mousquets, les habitants de Morialmé, à l'exemple du pasteur, priaient, suppliaient, les vieillards avec toutes les larmes d'un cœur meurtri et les petits enfants avec toute l'ardeur de leurs âmes innocentes.


Le ciel pouvait-il rejeter la prière si humble et si confiante de ces désolés ?

Et tout calmés, avec la consolation d'un grand devoir accompli, et l'assurance d'une insigne faveur obtenue, ces braves gens revinrent au village. Et le lendemain le soleil sembla se lever plus brillant, la fièvre diminua incontinent, et quelques jours encore tous les malades étaient guéris.


Quelle joie, quel bonheur enfin dans tous ces foyers qu'avait attristés, désolés, ravagés, la fièvre et de toutes les poitrines s'échappait un seul cri : Merci Saint Pierre ! Et nous sommes à vous.


Depuis lors la fièvre n'a plus reparu. Pendant dix ans la fête de Saint-Pierre fut gardée comme une fête d'obligation c'était la petite Saint-Pierre. Et depuis lors les pèlerins affluent nombreux à la chapelle du Thaumaturge, et Morialmé surtout, par des solennités et militaires et religieuses, continue chaque année à célébrer la Saint-Pierre comme dette de reconnaissance et comme gage de protection.


(Archives Compagnie Royale « Les Patriotes »)

Photo: www.museedesmarches.be
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La marche Saint-Pierre à Morialmé remonterait à 1854, année au cours de laquelle la fièvre des marais fit de véritables ravages parmi la population. Le pasteur du village (M. Beguin) promit alors à Saint-Pierre une procession en échange de son intercession. Celle-ci eut lieu le 29 juin de cette année et, dans les jours qui suivirent, l’épidémie fut endiguée et les malades guérirent. Dès lors, la procession fut répétée annuellement.

 

Cinquante ans plus tard, en 1904, participaient trois compagnies, les Vétérans, les Patriotes et les Amis réunis. Actuellement, seules les deux dernières subsistent. La veille de la procession proprement dite, le samedi, les compagnies rendent hommage au monument aux Morts. Le Dimanche, les Patriotes se rendent à la messe pendant que les Amis réunis reçoivent les distinctions ; ce sera ensuite le tour des Patriotes. Le cortège se forme pour se rendre à la Chapelle Saint-Pierre où la statue du saint est installée sur un autel en plein air. Après que les honneurs militaires lui aient été rendus et le bivouac des hommes d’armes, la statue regagne sa chapelle et les compagnies rentrent au village sur la Grand Place duquel elles s’organisent en bataillon carré. Le lundi, elles saluent les personnalités et les membres protecteurs.

 

Texte extrait de: http://connaitrelawallonie.wallonie.be/

Photo: www.museedesmarches.be
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